• 16 avril 2025
  • Affaires publiques et relations gouvernementales, Communication numérique
  • Écrit par : Corine Lajeunesse

Élections 2025 : La campagne sur vos écrans

Depuis 65 ans, l’utilisation des écrans lors des campagnes électorales a énormément évolué. En 1960, la diffusion du premier débat télévisé dans la campagne présidentielle américaine a favorisé Kennedy, alors que les auditeurs du même débat à la radio privilégiaient Nixon. Près de 50 ans plus tard, un certain Barack Obama change la donne en devenant le premier candidat à faire usage des médias sociaux pour mobiliser sa base et recueillir des fonds.

Maintenant que pratiquement chaque électeur a un écran dans sa poche, le pouvoir du numérique occupe une place centrale dans chaque campagne. En 2025, les principaux partis ont adopté des stratégies bien distinctes pour faire valoir leurs positions, recueillir des appuis et mobiliser une base toujours plus connectée.

Le Parti libéral : un bilan à défendre et un nouveau chef

Mark Carney en est à ses premiers pas politiques, mais en prenant la tête d’un parti au pouvoir depuis 10 ans, sa stratégie numérique doit accomplir tout un exercice d’équilibrisme. Faire connaitre un nouveau chef et lui donner une dimension humaine, tout en vantant son savoir dans les hautes sphères décisionnelles. Défendre un bilan, tout en créant une distance avec le gouvernement précédent. Proposer des solutions à des enjeux canadiens et mondiaux de taille. Tout un défi pour faire remporter un quatrième mandat consécutif aux troupes libérales.

Ses adversaires veulent le dépeindre comme un chef déconnecté de la réalité canadienne, après avoir vécu au Royaume-Uni entre 2013 et 2020. En réplique, sur ses plateformes personnelles, M. Carney met de l’avant l’iconographie typiquement canadienne : hockey, multiculturalisme et sirop d’érable, pour exploiter la déferlante nationaliste liée à la guerre commerciale déclenchée par Washington.

Le Parti conservateur : l’économie et les attaques ciblées

Chez les conservateurs, on attaque fortement et négativement le gouvernement sortant. Ils ont déjà été critiqués à plusieurs reprises pour ce style de politique, mais cette approche leur a procuré un certain succès dans le passé. C’était le cas notamment lorsque Stephen Harper affrontait Michael Ignatieff, alors qu’ils ont choisi de garder le cap sur des jeux de mots et des slogans frappants.

En utilisant des montages vidéo et des infographies martelant leurs différents messages, la position de Pierre Poilièvre et de son parti est claire : ils sont la solution pour faire face à Donald Trump et ils veulent travailler pour les « Canadiens ordinaires ». Alors que l’économie était au cœur des priorités des Canadiens en décembre, notamment concernant le coût des logements et le prix du panier d’épicerie, l’électorat est constamment sur le qui-vive en lien avec l’incertitude américaine. Résultat, les conservateurs semblent avoir de la difficulté à faire valoir que leur chef serait le mieux placé pour négocier avec Donald Trump. En fin de compte, la stratégie conservatrice fait mouche pour mobiliser sa base, mais rejoint plus difficilement les électeurs centristes, que le parti doit encore convaincre s’il aspire à un retour au pouvoir en 2025.

Sur le plan personnel, on retrouve chez Pierre Poilièvre du contenu avec plusieurs électeurs et acteurs importants de la société canadienne pour faire ressortir un côté rassembleur et humain. On y met beaucoup l’accent sur le chef et ses activités auprès des électeurs. Ce contraste entre le côté stratégique du parti et le côté humain des plateformes du chef illustre deux messages et deux manières de toucher l’électorat. De plus, cette façon de faire permet de diversifier le contenu sur les différentes plateformes et d’atteindre les différents publics cibles avec deux approches distinctes.

Le Bloc Québécois : l’identité du Québec en priorité

Dans sa stratégie numérique, le Bloc mise sur une identité visuelle résolument québécoise qui se démarque considérablement, qu’on l’aime ou non. Avec plusieurs publications par jour, le Bloc Québécois vise surtout à faire rayonner son chef, Yves-François Blanchet. Ayant une mission très territoriale et locale, les propositions du parti sont centrées autour de l’identité et l’économie québécoise. En résumant chaque jour de campagne dans un montage vidéo, le parti humanise beaucoup son chef et tente de le positionner comme le leader incontournable pour les électeurs de la belle province.

Sur ses plateformes, Yves-François Blanchet utilise beaucoup l’image de marque unique conçue pour la campagne afin de partager son quotidien. Il mise aussi beaucoup sur les captures d’écrans de ses différentes prises de position ou réactions à l’actualité, par exemple, ce qu’il publie sur X se retrouve souvent sur les autres plateformes. Cette stratégie permet des publications plus courtes sur les plateformes comme Facebook et Instagram, où l’algorithme favorise le contenu plus visuel. Cependant, par opposition à MM. Carney et Poilièvre, nous le voyons moins que les autres chefs en compagnie de militants ou d’électeurs.

Le NPD : la mobilisation des jeunes et la collectivité

Sur leurs plateformes numériques, le NPD et son chef Jagmeet Singh s’assurent de proposer plusieurs actions pour intéresser l’électorat. Avec son identité visuelle claire, ce parti met de l’avant les sujets touchant davantage les jeunes Canadiens : le coût des loyers, soins de santé, conditions pour les premiers acheteurs de maisons, etc. En publiant plusieurs fois par jour, le NPD amplifie son impact. Même si plusieurs publications s’adressent à un public plus jeune, la diversité de sujets abordés permet tout de même de rejoindre les électeurs de plusieurs tranches d’âge selon leurs intérêts.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, expose son quotidien au cours de la campagne, mais laisse aussi beaucoup de place à son entourage. Sur ses plateformes, nous retrouvons aussi plusieurs extraits d’entrevues qu’il a données durant les dernières semaines, ce qui permet de mettre de l’avant les propositions de son parti. Cette stratégie numérique permet de sélectionner les meilleurs moments des entrevues et de montrer l’aisance du chef à prendre position. De plus, le chef du NPD se montre au naturel et dans des contextes plus personnels, par exemple, dans sa vidéo « Get ready with me: On the Campaign Trail ». Cette approche lui permet de montrer son côté humain et drôle tout en restant un politicien engagé et professionnel.

Si la campagne de 2008 de Barack Obama est toujours considérée comme une classe de maître de l’usage du numérique, comment la performance des partis canadiens lors de l’élection 2025 sera-t-elle évaluée? Alors que nous avons de plus en plus de facilité à communiquer avec les différentes personnalités publiques, tels que les chefs de partis politiques à travers les médias sociaux, il est important de se questionner sur l’impact de cet accès et des différentes stratégies employées dans la séduction de l’électorat. Comment cet accès changera-t-il dans les années à venir?

Une chose est certaine, dans un monde de plus en plus connecté, alors que les points de contact avec l’électorat continuent de se multiplier, il y a fort à parier que la prochaine révolution communicationnelle en politique se passera dans la sphère numérique. Qui sait, nous verrons peut-être en 2029 des rassemblements dans le métavers!