L’écoblanchiment à l’ère de C-59 : entre responsabilité et occasion à saisir
La loi C-59 (Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne), entrée en vigueur en juin 2024, marque un tournant décisif dans l’encadrement réglementaire des communications environnementales des entreprises canadiennes.
Cette législation, qui modifie substantiellement la Loi sur la concurrence, vise spécifiquement à encadrer l'écoblanchiment (greenwashing) - cette pratique consistant à faire des déclarations trompeuses sur les bénéfices environnementaux d'un produit ou d'une pratique commerciale.
L'écoblanchiment a un effet particulièrement dommageable : non seulement il induit les consommateurs en erreur sur leur empreinte environnementale, mais il dilue également la portée des initiatives réellement significatives, alimentant ainsi le cynisme face aux enjeux climatiques. Rappelons que le cynisme et l’inaction climatique sont en hausse au Québec et au Canada; un phénomène alimenté par la désinformation. C’est aussi sans compter l’impact négatif d’une accusation d’écoblanchiment sur la réputation d’une entreprise auprès de ses consommateurs et de ses investisseurs.
Le cas Lululemon : un avertissement pour le marché
Un cas impliquant Lululemon en début 2024 nous offre déjà un exemple éloquent des enjeux soulevés par cette nouvelle législation. La plainte déposée par l'OBNL Stand.Earth auprès du Bureau de la concurrence contre Lululemon illustre bien les risques auxquels s'exposent désormais les entreprises. L'organisation accuse le détaillant d'avoir induit sa clientèle en erreur concernant ses pratiques environnementales, notamment dans le cadre de sa campagne Be Planet de 2020, dont les objectifs semblent contredits par leur rapport d'impact 2022.
Bien que le cas de Lululemon se soit produit avant l’entrée en vigueur de la loi C-59, il illustre bien les risques auxquels peuvent s’exposer les entreprises qui souhaitent se positionner publiquement sur leurs engagements en durabilité.
Une entreprise doit maintenant être en mesure de démontrer de façon empirique le fondement de ses déclarations environnementales : il ne suffit plus d’affirmer qu’un produit soit « plus durable » ou « écoresponsable », ou qu'une entreprise ait « réduit ses émissions de GES de 30 % ». Ces déclarations doivent désormais s'appuyer sur des données vérifiables et une méthodologie rigoureuse.
C’est l’erreur qu’aurait commise Lululemon. L’entreprise a utilisé ses engagements en durabilité pour une campagne marketing, mais elle n’a pas été en mesure de les atteindre car ses actions en la matière n’étaient pas suffisantes. Dans ce nouveau contexte législatif, une entreprise prend maintenant un risque si elle se positionne trop fortement avec des engagements et des intentions. Il est plus sûr aujourd’hui de se positionner uniquement avec des résultats vérifiés.
Un avantage compétitif en devenir
Paradoxalement, cette réglementation plus stricte peut représenter une occasion à saisir. Les entreprises qui auront investi dans des initiatives environnementales substantielles et mesurables disposeront d'un avantage compétitif significatif. Elles pourront non seulement communiquer en toute confiance leurs réalisations, mais également se différencier dans un marché où les consommateurs et les investisseurs accordent une importance croissante à la crédibilité des engagements environnementaux. De plus, une démarche structurée en durabilité devient un atout important dans le recrutement et la mobilisation de la main-d’œuvre.
Les actions devront suivre les paroles
Dans ce nouveau contexte réglementaire, les entreprises doivent repenser leur approche de la communication en durabilité. Il ne s'agit pas de cesser toute communication sur leurs objectifs de durabilité (évitons le greenhushing), mais plutôt d'adopter une approche plus rigoureuse et transparente.
Cela signifie donc documenter avec rigueur les initiatives environnementales et ancrer les communications dans une démarche de durabilité structurée. Il est essentiel de maintenir une cohérence entre les objectifs annoncés et les actions de l’entreprise. Le gouvernement du Canada a d’ailleurs tenu récemment une consultation publique pour clarifier l’application de la loi.
La loi C-59 marque une ère nouvelle dans la façon dont les entreprises devront aborder les communications en matière d’actions et d’engagements environnementaux. Si cette loi impose des contraintes plus strictes, elle offre aussi l'occasion de renforcer la crédibilité des initiatives en matière de durabilité. Les entreprises qui sauront adapter leur approche en privilégiant la transparence et la rigueur dans leurs communications environnementales seront les mieux positionnées pour prospérer et sortir du lot.