Inutile de dire que cette élection fédérale marque un moment crucial pour notre démocratie. Cependant, plus que jamais, la mobilisation des parties prenantes revêt une importance capitale pour assurer un processus électoral transparent, inclusif et représentatif des aspirations de la population.

Une campagne électorale demande une mobilisation directe de l’électorat. Les partis investissent entre autres dans des logiciels de ciblages de l’électorat qui leur permettent d’identifier les électeurs qui les soutiennent. Ils mettent aussi à la disposition de ces personnes des moyens de transport pour s’assurer qu’elles votent.

Il ne faut cependant pas sous-estimer les efforts investis par les partis pour mobiliser de façon stratégique d’autres parties prenantes dans le but d’influencer indirectement l’électorat. Au cours de cette deuxième semaine de campagne, nous avons vu les partis s’associer à tour de rôle à certaines causes, personnalités publiques, mais aussi à des électeurs qui reflètent les réalités des électeurs qu’ils courtisent. Humaniser les promesses électorales, c’est aussi ça mobiliser ses parties prenantes.

Les libéraux ont fait appel à l’acteur Mike Myers qui est apparu dans une vidéo sur les réseaux sociaux de Mark Carney. Cette vidéo a ramené dans la conscience nationale la phrase « elbows up » popularisée par le hockeyeur canadien Gordie Howe. La phrase est rapidement devenue un cri de ralliement contre les tarifs imposés par Donald Trump.

Les conservateurs quant à eux on fait appel à une représentante d’une dynastie politique canadienne, Caroline Mulroney, rappelant que son père, l'ancien premier ministre Brian Mulroney, fut l'un des premiers à soutenir financièrement Pierre Poilievre. Selon celle qui est maintenant ministre des Affaires francophones de l’Ontario, son père voyait en lui les qualités d'un grand bâtisseur du Canada.

Le chef du Bloc Québécois Yves-François Blanchet est, quant à lui, apparu au côté du chanteur Garou, lors de la grande finale de la populaire émission Star Académie. Mobiliser les acteurs du secteur culturel a toujours été une stratégie gagnante pour le Bloc. Seul l’avenir nous dira si, dans le cadre de cette élection pas comme les autres, le parti réussira de nouveau son pari de se faire le porte-étendard de la culture québécoise en mobilisant les bonnes parties prenantes.

Le YouTuber Dunna de Dunna Did It, un photographe et fervent amateur de nature a publié sur sa chaîne une conversation avec Jagmeet Singh, leader du Nouveau Parti démocratique, sur la préservation environnementale. Cet influenceur, fort de ses 73 000 abonnés sur Instagram, était-il une bonne partie prenante à mobiliser pour ramener les enjeux environnementaux au cœur des discussions, alors que l’électorat est surtout préoccupé par la guerre tarifaire et l’économie ? Il est certes important pour les partis de faire valoir l’ensemble de leur programme, mais le NPD met-il les efforts à la bonne place au bon moment?

Pour les partis politiques, l’orchestration des différents appuis peut devenir déterminante au moment du jour du scrutin.

Un écosystème où chaque voix compte

Il ne faut pas sous-estimer les parties prenantes de type organisationnel qui peuvent aussi avoir un impact sur la mobilisation de l’électorat. Les partis tenteront de mobiliser l’électorat en s’appuyant sur l’endossement d’une multitude de parties prenantes tel que les syndicats, des personnalités publiques, les organisations de la société civile et autres. Comme société, comme électeur, est-ce souhaitable que la mobilisation devienne un acte de plus en plus politique? Elle est non seulement souhaitable, mais essentielle, car elle permet de représenter des segments de la population qui, autrement, pourraient rester en marge du débat public.

Ces organisations et groupes d'intérêt donnent une voix à des préoccupations spécifiques et enrichissent le dialogue démocratique. Néanmoins, cette dynamique doit s'accompagner d'une transparence rigoureuse concernant ces appuis et leurs motivations. Dans un contexte de plus en plus polarisé, la participation citoyenne et la transparence deviennent essentielles pour assurer un processus électoral démocratique et inclusif.

Le NPD peut compter sur l’appui d’un bon nombre de regroupements de travailleurs. Il mobilise fréquemment sa base naturelle d’électeurs, mais aussi l’électorat de centre gauche grâce à l’endossement de ce type d’organisation. Pensons à Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada qui a endossé le plan pour la réduction d’impôt du NPD.

Les conservateurs ont habituellement une certaine facilité à mobiliser les parties prenantes de la sphère de la sécurité publique. Lors d’une annonce sur un projet de loi qui imposerait des peines plus sévères dans les dossiers de violence conjugale et familiale, Pierre Poilievre pouvait compter sur la présence de Pierre-Hugues Boisvenu, sénateur à la retraite et fondateur de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues. Il demeure une figure bien connue au Québec où les conservateurs tentent de s’imposer davantage.

Un contexte politique sous influence

Au-delà de la mobilisation des parties prenantes nationales, il est aujourd’hui de plus en plus important de tenir compte de l’influence qui dépasse nos frontières. Les élections fédérales de 2025 se tiennent dans un climat politique hors du commun, largement influencé par les répercussions de l’élection de Donald Trump. Ce retour au pouvoir a provoqué une onde de choc sur la scène internationale, notamment au Canada, où les enjeux de souveraineté, de commerce et de sécurité frontalière ont soudainement gagné en importance.

La mobilisation de parties prenantes, par la collecte d’appuis de personnalités et de groupes n’est pas une nouvelle stratégie en politique. Les communications numériques ont déjà poussé les partis à revoir leur façon de faire. Ces endossements habituellement si importants en temps de campagne auront-ils le même poids en 2025 alors que les relations canado-américaines prennent toute la place? Il est plus difficile de mobiliser l’électorat par le biais de parties prenantes alors que le pays semble plus unifié. Il sera intéressant d’analyser l’impact des endossements reçus avec un peu de recul.