Perspectives Exponentielles : Regards sur la Journée internationale des droits des femmes
Les revendications pour améliorer la condition des femmes ne datent pas d’hier. On rapporte des actions vieilles de plus de 165 ans. Notamment, c’est le 8 mars 1857 qu’à New York, des travailleuses du textile et du vêtement manifestent contre les journées de travail de 12 heures, les bas salaires et les mauvaises conditions de travail. Tandis que le mouvement gagnait du terrain, des enjeux tels que l’égalité des genres, la violence envers les femmes et le droit à la santé sexuelle et procréative sont devenus les principes fondamentaux du mouvement. La Journée internationale des femmes (ou Journée internationale des droits des femmes) a été officiellement reconnue par l’ONU en 1977.
La condition des femmes s'est nettement améliorée au cours du dernier siècle, ce qui amène certains à se demander si cette journée a toujours sa raison d'être. Nous avons posé la question à trois membres du clan Exponentiel, chacune représentant une génération et une réalité différentes : en 2024, que représente pour vous la Journée internationale des droits des femmes?
Voici ce qu’elles nous ont répondu…
Lysa-Marie Rochon
Coordonnatrice
Complète actuellement une maîtrise en gestion - marketing à HEC Montréal
J'ai eu le privilège de grandir dans un environnement où toutes les portes semblaient ouvertes. Mes parents m'ont toujours enseigné que la seule limite à mes aspirations était moi-même. Entourée de femmes inspirantes et de modèles forts, je n'aurais jamais pu concevoir, étant jeune, que les femmes puissent être considérées comme inférieures aux hommes. La simple idée me semblait absurde, malgré les récits de l'incroyable parcours des femmes qui m'ont précédée.
Cependant, avec le temps, une frustration grandissante s'est installée en moi. Pourquoi ma voix ne compte-t-elle pas autant que celle de mes collègues masculins? Pourquoi serais-je moins rémunérée que mes homologues masculins pour un travail équivalent? Pourquoi les femmes rencontrent-elles plus d'obstacles pour accéder à des postes de haute direction? Pourquoi le corps des femmes est-il devenu un sujet de débat politique? Pourquoi le harcèlement, les commentaires dégradants et les comportements inappropriés envers les femmes sont-ils encore si courants, voire minimisés et ignorés dans nos sociétés?
Ces questions, et bien d’autres, m’ont rapidement fait réaliser que la réalité n’était pas si rose. C’est pourquoi je crois que la Journée internationale des droits des femmes devrait être perçue comme un rappel de l’importance de s’élever les unes et les autres. Soyons solidaires, soyons confiantes, soyons fières - le « Girl Power » est bien réel.
En outre, il est crucial de reconnaître que la lutte pour les droits des femmes résonne également avec les luttes d'autres groupes marginalisés. Pour moi, la clé réside dans la collaboration et le soutien mutuel entre ces mouvements. C'est en travaillant ensemble que nous pourrons créer un monde véritablement juste et équitable.
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Tamara Chiasson
Directrice-conseil
Pour moi, le 8 mars est un rendez-vous dans le temps…
Un rendez-vous avec l’histoire qui nous rappelle qu’il y a trop peu longtemps, il était difficile, voire illégal pour la femme de prendre sa place dans certaines sphères de la société. Que c’est à coup de révolutions féministes, de plafonds de verre brisés et d’audace décomplexée que la femme a pu s’asseoir à la même table que les hommes, être maitre de sa destinée et notamment voter depuis, rappelons-le, aussi peu que 84 ans au Québec.
C’est aussi un rendez-vous avec le présent qui témoigne de nos avancées et du chemin encore à faire, de la richesse dont nous profitons tous en conjuguant les opportunités tant au féminin qu’au masculin. Mais qui témoigne aussi du privilège occidental qui comprend une puissante responsabilité, celle de ne pas oublier les millions de femmes dans le monde pour qui la notion de « droit » est quasi inexistante ou bafouée au quotidien.
Et bien entendu un rendez-vous avec l’avenir qui nous est donné de façonner. Avec l’espoir que pour nos enfants et les générations à venir, le combat pour l’égalité, laisse place à une reconnaissance mutuelle. Mais aussi pour qu’un jour enfin le mot féminisme soit universellement reconnu comme sa définition le désigne, un principe de justice et d’égalité.
Nous voici donc à ce rendez-vous, célébré chaque année et nécessaire. Attention, je ne crois pas que c’est à coup de « Journée internationale » qu’on change les choses, qu’on évolue considérablement ou que les paradigmes ou normes sociales se transforment. Mais c’est grâce à ces journées que chaque année une partie de la société se mobilise, se concerte, s’unit pour mettre des femmes à l’honneur, dans le but de marquer le changement, l’évolution de nos valeurs au cours des dernières années. Cette célébration de la femme et du chemin parcouru est attendue et souhaitée, même si parfois instrumentalisée, admettons-le. Mais pourquoi s’arrêter si l’écart de salaire, l’égalité des chances, l’équité et la sécurité socio-économique, les responsabilités parentales et bien d’autres aspects sont encore si disproportionnés entre les hommes et les femmes. Rappelons-nous que c’est au présent que l’avenir se façonne.
Merci à celles qui m’ont précédée, à celles qui me pousse à voir si loin que j’en oublie ce plafond de verre et à celles qui façonneront l’avenir égalitaire tant rêvé.
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Nancy Bouffard
Vice-présidente
Je suis née à la fin des années 60, une décennie marquée par plusieurs événements d’importance à l’échelle de la planète. Pensons à l’année 1969, qui a vu le premier homme marcher sur la lune. Le Québec vivait la Révolution tranquille, période charnière qui entraînera plusieurs avancées pour les femmes, et ce avant même que la Journée internationale des femmes telle qu’on la connaît soit officialisée par les Nations Unies en 1977.
On l’oublie mais c’est au cours de la Révolution tranquille que les Québécoises adopteront la pilule contraceptive pour contrôler leur fertilité, entreront massivement sur le marché du travail et revendiqueront des congés de maternité et le droit à l’égalité avec les hommes dans toutes les sphères de la vie publique.
Trop jeune pour avoir eu conscience des batailles que les femmes ont menées pour faire avancer notre cause, je demeure toutefois extrêmement reconnaissante pour l’engagement des femmes de l’époque, qui a permis à nos générations d’aspirer à une égalité, autrefois totalement utopique. Issue d’une famille de femmes fortes, exerçant notamment les métiers de commerçante, écrivaine ou politicienne, c’est propulsée par des modèles inspirants que j’ai fait mon chemin dans la vie. Grâce à elles, j’ai eu le choix. Un choix précieux… et qui, malheureusement, demeure très fragile.
Mère d’une jeune femme dans la vingtaine, c’est avec inquiétude que je constate une intensification des mouvements régressifs contre les femmes. Pensons notamment aux lois anti-avortement qui refont surface tout près de nous, à l’augmentation de la violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits armés, à la montée des religions conservatrices qui discriminent les femmes et creusent les inégalités, etc.
On peut se poser la question : avons-nous encore besoin d’une Journée internationale des droits des femmes en 2024 ? Bien humblement, je réponds oui! Je nous souhaite collectivement que les générations de femmes qui nous succéderont pourront, elles aussi, avoir encore le choix!
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